La déclaration d'impôt du traducteur

 

 

 

Les journées rallongent, les arbres sont en fleurs, les oiseaux chantent… vous l’avez deviné, voici venu le temps de la déclaration d’impôt sur le revenu ! Il ne vous reste plus que quelques jours pour vous y atteler, mais avant cela je vous propose de faire le point sur vos obligations en tant que professionnel pour ne rien oublier et, surtout, payer uniquement ce que vous devez.

Tout d’abord, commençons par un petit rappel : l’impôt sur le revenu est, comme son nom l’indique, calculé sur l’ensemble des revenus (salaire, bénéfice d’entreprise, dividendes, droits d’auteur, allocation, primes, etc.) de votre foyer fiscal. Après déduction de certaines dépenses (frais de garde d’enfant, travaux de réhabilitation ou d’économie d’énergie, dons, etc.), l’administration applique un barème progressif par tranche de revenu pour calculer le total de votre impôt, qui sera ensuite prélevé à la source mensuellement, ou trimestriellement sur option pour les indépendants.

VOUS ÊTES MICROENTREPRENEUR

Microentrepreneur, vous êtes un entrepreneur individuel relevant du régime fiscal dit « micro-BNC », autrement dit votre bénéfice imposable n’est pas établi sur la base de vos dépenses professionnelles réelles, mais en appliquant une déduction forfaitaire censée représenter l’ensemble de vos dépenses professionnelles, y compris les cotisations sociales (34 % actuellement pour les professions libérales comme celle de traducteur).

 

Votre revenu imposable est donc 66 % de votre chiffre d’affaires (le total des recettes de votre activité déclarées au cours de l’année précédente - 34 % d’abattement forfaitaire).

 

Pour remplir votre déclaration de revenus, vous devez faire apparaître la déclaration complémentaire des revenus commerciaux non professionnels n° 2042 C-PRO, puis inscrire le montant brut de votre chiffre d’affaires (vos recettes) à la case 5HQ (ou 5IQ, 5JQ… si vous faites une déclaration conjointe) :

 

déclaration 2042 C PRO
déclaration d'impôt micro-BNC

 

Pour vous éviter toute erreur, munissez-vous de l’attestation fiscale fournie par l’URSSAF qui récapitule l’ensemble des recettes que vous avez déclarées dans l’année (vous la trouverez sur le portail de l’autoentrepreneur, dans la rubrique Mes documents > Mes attestations). L’abattement forfaitaire est automatiquement appliqué. Les recettes de votre microentreprise seront alors comptabilisées avec le reste des revenus de votre foyer fiscal et soumises à l’impôt sur le revenu par l’application du barème progressif.

 

Sous certaines conditions de ressources, vous pouvez bénéficier du prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu et donc soumettre vos recettes à un taux fixe d’imposition (2,2 % pour les professions libérales) pour payer votre impôt sur le revenu en même temps que vos cotisations sociales chaque mois ou chaque trimestre. Cette option s’exerce au moment de la création de votre activité ou au plus tard le 30 septembre de l’année en cours pour une prise d’effet à compter du début de l’année suivante. Elle est ensuite reconduite automatiquement, à moins que vous ne la dénonciez dans les mêmes délais.

 

déclaration d'impôt prélèvement libératoire micro-entrepreneur

Cette option est intéressante, car le prélèvement libératoire est automatique et proportionnel à vos recettes. Selon la situation de votre foyer fiscal, le taux fixe peut être avantageux. Toutefois, puisqu’il est calculé sur votre chiffre d’affaires, vous paierez l’impôt sur le revenu, même si vous n’êtes pas imposable. Mieux vaut donc comparer le montant de votre impôt avec ou sans option avant de choisir le prélèvement libératoire forfaitaire et dans tous les cas, vous devrez obligatoirement remplir la déclaration 2042 C-PRO.

VOUS ÊTES ENTREPRENEUR INDIVIDUEL EN BNC

Les entrepreneurs individuels qui ne bénéficient pas du régime micro, soit parce qu’ils ont dépassé le seuil de chiffre d’affaires, soit parce qu’ils ont opté volontairement pour un autre régime fiscal, sont eux aussi imposés personnellement sur le bénéfice de leur entreprise, mais ce bénéfice est calculé en tenant compte des dépenses réellement payées. Ce régime fiscal, quand il s’applique à des professions libérales, s’appelle le régime de la déclaration contrôlée.

 

Première contrainte, le professionnel soumis au régime de la déclaration contrôlée doit adhérer à une association de gestion agréée (AGA) ou retenir les services d’un cabinet comptable autorisé à délivrer un visa fiscal pour éviter une majoration de 25 % de son bénéfice. Cette adhésion doit être validée dans les 5 mois suivants l’immatriculation de l’entreprise ou suivant l’ouverture du premier exercice faisant l’objet d’une déclaration contrôlée.

 

Une fois par an en mai, il est tenu de transmettre par voie électronique la déclaration 2035 et ses annexes, qui permettra le calcul de son bénéfice imposable sur la base des recettes encaissées diminuées des dépenses engendrées par l’activité au cours de l’année civile précédente. Le résultat obtenu est à reporter ensuite dans la déclaration de revenus, formulaire 2042 C PRO, dans la rubrique « régime de la déclaration contrôlée » :

 

déclaration impôt BNC traducteur
déclaration contrôlée traducteur

Votre bénéfice imposable est à inscrire dans la case 5QC si vous faites appel à un expert-comptable ou une AGA ou dans la case 5QI si ce n’est pas le cas.

 

Si les dépenses ont été supérieures aux recettes (ce qui est très rare dans le cadre d’une activité de traduction), sachez que vous avez la possibilité d’imputer ce déficit au revenu de votre foyer fiscal des six années suivantes.  Ce déficit est à inscrire dans la case 5QE ou 5QK.

 

Si vous exercez en Zone Franche Urbaine (ZFU) ou Zone de Revitalisation Rurale (ZRR), tout ou partie de votre bénéfice peut être exonéré d’impôt. Il faut alors l’inscrire dans la case 5QB, ou 5QH. D’autres exonérations sont possibles, notamment les plus-values de cession d’actifs, sous certaines conditions.

 

Outre ces obligations fiscales, si vous êtes soumis au régime de la déclaration contrôlée, vous devez également respecter certaines obligations comptables (tenue d’un livre-journal, registre des immobilisations et des amortissements et établissement des comptes annuels en fin d’année). Ces contraintes peuvent rendre les services d’un comptable nécessaires, voire indispensables : une dépense supplémentaire déductible du chiffre d’affaires, mais dont il faut tenir compte avant d’opter pour le régime de la déclaration contrôlée.

VOUS ÊTES DIRIGEANT D'UNE SOCIÉTÉ

Si vous êtes dirigeant d’une société (EURL/SARL, SASU/SAS…), vous êtes, selon les cas, imposable sur votre rémunération ou sur la part du bénéfice de votre entreprise qui vous revient.

 

Les sociétés peuvent être imposables de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu. Lorsqu’elles sont imposables sur le revenu, leur bénéfice est déclaré par les associés en tant que bénéfice non commercial (BNC), on parle lors du régime des sociétés de personnes. Chaque associé reporte sa part du bénéfice dans la déclaration 2042 C PRO (voir partie précédente sur l’imposition des entrepreneurs individuels en BNC).

 

Dans le cas d’une EURL, il n’y a qu’un seul associé qui est aussi le gérant de l’entreprise. Pour la SASU, on parle de dirigeant. Les gérants et dirigeants de sociétés ont normalement droit à une rémunération en contrepartie de leurs fonctions, mais les statuts peuvent prévoir qu’elles sont exercées à titre gratuit. Lorsque leur mandat est rémunéré, le montant de cette rémunération est imposable en tant que traitements et salaires (case 1. J, revenus d’activité).

 

Autre forme de rémunération, les dividendes concernent uniquement les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (non les sociétés imposables à l’impôt sur le revenu ni les entreprises individuelles). Le dividende est la rémunération des associés, c’est-à-dire ceux qui ont investi au capital social d’une société. La plupart des dirigeants étant aussi associés, ils peuvent percevoir des dividendes lorsque leur société a réalisé un bénéfice. Ces dividendes constituent un revenu soumis à cotisations sociales et à l’impôt, soit par l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu (après un abattement de 40 % et déduction de la CSG), soit par un prélèvement forfaitaire unique (PFU) aussi appelé « flat tax » (sont taux est actuellement 30 % : 17,2 % au titre des prélèvements sociaux et 12,8 % de l’impôt sur le revenu).

 

Le PFU s’applique par défaut : il est précompté par l’entreprise et payé à la source lors du versement des dividendes aux associés. Ces derniers doivent ensuite reporter le montant brut perçu dans la case 2CG de leur déclaration (revenus déjà soumis aux prélèvements sociaux sans CSG déductible), pour éviter qu’il soit imposé de nouveau.

 

Si cela se révèle plus intéressant, vous pouvez opter pour l’application du barème progressif en cochant la case 2OP. Le montant brut de vos dividendes doit alors être inscrit dans la case 2DC (revenu des actions ou parts), l’administration fiscale se chargeant de calculer l’abattement de 40 % et de vous restituer l’éventuel excédent d’imposition. Lorsque vous cliquez la case 2OP, le crédit d'impôt apparaît automatiquement en case 2CK, ce qui vous permet de faire une simulation pour prendre la décision la plus avantageuse pour vous. Le choix du barème progressif vous permet par ailleurs de déduire une partie de la CSG en inscrivant le total des revenus déjà soumis aux prélèvements sociaux figurant sur votre imprimé fiscal unique dans la case 2BH de la déclaration.

 

Enfin, les intérêts calculés sur les sommes versés en compte courant d'associé constituent des produits de placement à revenu fixe imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

VOUS PERCEVEZ DES DROITS D'AUTEUR

Ce qu’on appelle communément les droits d’auteur rémunère les créateurs d’œuvres originales en contrepartie de l’exploitation (utilisation, vente, diffusion) de leurs œuvres. Les traducteurs peuvent être rétribués totalement ou partiellement de cette façon, notamment dans le cadre de contrats d’édition, de sous-titrage ou de doublage d’œuvres audiovisuelles.

 

Les droits sont versés par le diffuseur de l’œuvre (l’éditeur par exemple), soit en intégralité, soit après déduction des cotisations et contributions sociales des artistes auteurs. Cette déduction à la source de cotisations sociales s’appelle le précompte et oblige le diffuseur à vous remettre une attestation (la certification de précompte). Le total des sommes perçues l’année précédente doit alors être inscrit dans la case 1.F de votre déclaration de revenus :

 

déclaration des droits d'auteur

Sur option, les droits d’auteur peuvent aussi être déclarés en tant que bénéfices non commerciaux (BNC), le diffuseur est alors dispensé du précompte, les sommes perçues entrant dans le calcul du résultat (déclaration 2035) et des bénéfices non commerciaux (déclaration 2042 C PRO) de votre entreprise. Vous réglez donc vous-même les cotisations et contributions sociales dues au titre de votre activité d’artiste auteur.

Toujours perdus ? C’est normal, l’impôt sur le revenu est un échafaudage complexe et notre administration fiscale ne brille pas par sa pédagogie. En cas de doute, n’hésitez pas à contacter votre Service des impôts des entreprises (SIE) ou à faire appel à un comptable pour vous guider. Et si vous avez des astuces fruits de votre expérience, n’hésitez pas à les partager ici. Bon courage !

 

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Commentaires: 6
  • #1

    Fabien (jeudi, 04 juin 2020 05:41)

    Merci beaucoup pour cet article complet et bien expliqué !

  • #2

    Elisabeth (mardi, 09 juin 2020 08:34)

    Merci beaucoup, je déclare des BNC pour la première fois cette année et votre article m'a permis de gagner un temps fou !

  • #3

    Ezther (samedi, 11 juillet 2020 15:46)

    Bonjour Gaële,
    Je viens de tomber sur ton blog, et je dois dire qu'il est fort bien fourni et très utile pour les nouveaux entrepreneurs !
    J'ai créé ma microentreprise il y a peu et une agence de traduction allemande a accepté de me prendre dans leurs rangs. J'aurais une question qui concerne indirectement les impôts. L'agence me propose deux solutions :
    1) M'envoyer des "Gutschriften" ("credit note" en anglais) pour chaque traduction effectée. Le montant gagné dans le mois sera viré sur mon compte au cours du mois suivant.
    2) Leur envoyer mes propres factures.

    La première solution me semble la plus "confortable" car je n'ai rien à faire, mais est-ce techniquement acceptable comme justificatif ? En sachant que sur ces "Gutschriften" apparaîtront mon nom et mon adresse, mais pas mon numéro SIRET. Apparemment, en Allemagne, ils peuvent tout à fait se substituer aux factures, mais est-ce le cas en France ?

    Bien cordialement

  • #4

    Gaële Gagné (dimanche, 12 juillet 2020 00:08)

    Bonjour Ezther et merci pour ton message. Malheureusement pour toi, la France est plus procédurière que l'Allemagne et impose à ses entreprises d'émettre et de conserver une facture pour chaque prestation vendue à une autre entreprise (https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Facturation-entre-professionnels). Il te faudra donc émettre une facture avec toutes les mentions obligatoires, reporter son numéro et la somme encaissée dans ton livre journal et l'archiver pour 10 ans. Attention, si tu vends des prestations à un client établi dans un état membre de la communauté européenne, ton client devra autoliquider la TVA sur ta prestation dans son pays. Tu dois donc obtenir un numéro de TVA intracommunautaire auprès de ton SIE (à mentionner également sur tes factures) et faire une déclaration européenne de service (DES) sur le portail des douanes pour confirmer que la prestation a bien eu lieu (voir : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33340 sous la rubrique prestation de service > si l'acheteur est assujetti).

  • #5

    Alix (mardi, 08 décembre 2020 08:45)

    Bonjour Gaële,
    Tout d'abord merci pour cet excellent blog. Ma situation pose question : une entreprise italienne m'a contactée pour me demander de traduire des documents en français. Je suis étudiante et bientôt salariée du secteur public, et je n'ai pas encore créé ma micro-entreprise de traduction (qui est une activité que j'aimerais pérenniser). 1) la traduction est-elle bien une activité libérale (et pas commerciale) ? 2) une fois mon entreprise créée, je pourrai établir un devis puis facturer cette entreprise italienne. En ce qui concerne la TVA, devrai-je donc suivre la procédure que vous avez détaillée dans les commentaires à Ezther ? (numéro de TVA intracommunautaire, DES, etc) ?
    Merci pour votre aide, j'avoue être perdue à l'idée de me lancer, notamment en ayant des clients avant même d'avoir mon entreprise...

  • #6

    Gaële Gagné (mercredi, 09 décembre 2020 04:54)

    Bonjour Alix,
    Merci pour votre message. Je suis contente d'apprendre que ce blogue vous accompagne dans le développement (accéléré) de votre entreprise.
    Pour répondre à vos questions :
    1- Oui, la traduction est bien une activité libérale et non commerciale. Les traducteurs réalisent donc des BNC (bénéfices non commerciaux). Pour pouvoir facturer votre client vous devez vite déclarer votre activité et obtenir un numéro SIREN.
    2- Oui, si vous facturez une entreprise en Italie, vous devez en plus obtenir un numéro de TVA intracommunautaire de votre SIE (service des impôts des entreprises), l'indiquer sur votre facture et informer votre client qu'il est redevable de la TVA sur votre prestation dans son pays en ajoutant la mention « autoliquidation de la TVA », là où vous indiquez habituellement « TVA non applicable, article 293 B du CGI ». Vous devrez ensuite faire une DES pour confirmer à l'administration fiscale italienne que vous avez bien vendu des services à votre client.
    Vous trouverez plus d'informations à ce sujet sur ce site : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F33340.
    Bonne chance pour ce premier projet !