Vous détestez sans doute cela... un appel, une petite question l’air de rien (« c’est votre meilleur tarif ? ») et le gong retentit : en piste pour un round de négociation commerciale ! Difficile d’y échapper lorsqu’on exerce en tant que traducteur indépendant : il faut bien négocier pour vivre et de bons contrats vous rendent la vie bien plus douce. Vous avez beau en être parfaitement conscient, rien y fait, à chaque fois vous vous sentez tout petit : vous le traducteur amoureux du travail bien fait contre ce gros méchant client qui veut absolument vous faire baisser vos prix... Stop ! Arrêtons tout de suite l’autoflagellation : il est temps de réagir et de découvrir que la négociation est un savoir-faire technique à maîtriser et non un don que vos fées-marraines auraient oublié de vous accorder. Une fois que vous aurez compris comment ça marche et testé quelques bonnes pratiques, vous pourriez même trouver l’expérience divertissante (si si, je vous jure !).
Pour vous aider à mieux négocier, voici donc quelques conseils glanés à droite à gauche et fruits de l’expérience de votre humble servante. En résumé, retenez qu’une bonne négociation repose sur quatre principes clés :
Écouter
Avez-vous tendance à finir mentalement (ou pire oralement) les phrases de vos interlocuteurs ? Pensez-vous à ce que vous avez à dire lorsque quelqu’un vous parle ? Rassurez-vous, c’est assez banal (mea culpa)... De nos jours, tout le monde a quelque chose à dire (et ne se gêne pas pour le faire d’ailleurs), mais rares sont ceux qui écoutent.
Pourtant avoir une véritable capacité d’écoute est un indéniable atout, non seulement pour bien comprendre ses interlocuteurs, mais aussi pour les séduire. Comme le démontre Dale Carnegie dans son immense succès de librairie How to Win Friends & Influence People (traduit en français sous le titre Comment se faire des amis), l’être humain est naturellement attiré par les personnes qui s’intéressent à lui. Plutôt narcissique c’est vrai, mais incontestable : n’avez-vous jamais été flatté qu’une personne se rappelle de votre prénom après une brève interaction ? N’êtes-vous pas plus enclin à trouver sympathique quelqu’un qui semble captivé par ce que vous avez à dire ?
Un client n’échappe pas à la règle. Lors d’un premier contact, concentrez-vous (vraiment) sur ce qu’il vous dit, et si vous avez comme moi une mémoire de poisson rouge, prenez des notes ! Soyez à l’affût de tout ce qui permet de préciser ses attentes et pourrait motiver sa décision d’achat : A-t-il déjà eu affaire à un traducteur ? A-t-il besoin d’être rassuré ? Cherche-t-il à établir une relation durable ? Le prix, la qualité et le respect des délais sont-ils des éléments décisifs ou secondaires ?
Posez quelques questions ouvertes et laissez parler votre interlocuteur : il ne manquera pas de vous donner des pistes pour mieux le comprendre et lui proposer une solution répondant à ses attentes.
Se trouver des points communs
Toujours en partant du principe qu’un individu accordera plus facilement sa confiance à quelqu’un qui le valorise, chercher les points communs qui vous rapprochent de votre client est un moyen simple et efficace d’établir une relation.
Soyez sympa ! La négociation ne devrait pas être perçue comme un combat qui se solderait par la victoire totale d’une des parties en présence. L’objectif est plutôt de rechercher une solution satisfaisante pour chacune. Dans cette optique, il convient de respecter quelques règles de bon sens :
- Mettez-vous à la place de votre client : imaginez ses arguments et trouvez les réponses qui le convaincront que vous saurez satisfaire ses besoins.
- Instaurez une relation d’égal à égal : pour ne pas vous laisser déstabiliser par un négociateur plus expérimenté, essayez de vous concentrer sur la pression que votre client ressent (projet à boucler, objectifs à atteindre, client à satisfaire...) plutôt que sur celle qui pèse sur vos propres épaules (payer vos impôts, financer votre retraite ou vos vacances aux Bahamas...). Votre sérénité est un avantage : face à elle, votre interlocuteur ne se sentira pas en position de force pour vous imposer des conditions défavorables.
- Fixez-vous des limites : avant toute négociation, prenez le temps d’évaluer ce que vous êtes prêt à accepter (ou non). Puis faites une liste et gardez-la sous les yeux afin d’éviter de vous laisser convaincre et de le regretter.
- Demandez plus : sans tomber dans le délire total qui vous vaudrait un refus cinglant, vous aurez plus de latitude pour accepter quelques concessions si vous visez haut dès le départ. Et qui sait, vous serez peut-être surpris de voir votre client accepter votre proposition sans broncher !
- N’accordez rien sans contrepartie : un accord inégal nuit à vos objectifs et est source de ressentiment. Sans compter qu’une concession acquise de haute lutte aura toujours plus de valeur aux yeux de votre client qu’un avantage trop vite gagné. N’hésitez donc pas à faire des contre-propositions : « je maintiens mon prix, mais je réduis les délais », « je réduis mon prix, mais vous vous chargez de la relecture », etc.
Accepter les différences
Pour bien négocier, il faut non seulement écouter, mais aussi entendre. Rien n’est plus frustrant qu’un vendeur qui ignore vos objections. Si votre client vous dit que vous êtes trop cher, ne raccrochez pas, reconnaissez en toute bonne foi que la traduction a un coût, mais soulignez qu’une prestation de piètre qualité pourrait être bien plus coûteuse si elle devait être corrigée par la suite ou nuire à l’image de l’entreprise sur de nouveaux marchés. Une fois encore, le but est d’instaurer une relation de confiance. À vous donc de trouver les réponses qui rassurent.
Face à l’argument du prix, résistez à la tentation de baisser immédiatement vos tarifs... ce n’est pas forcément l’enjeu de la négociation !
Quelles que soient les objections et l’attitude de votre interlocuteur, restez calme et professionnel. Si vous ne parvenez pas à trouver un terrain d’entente, mettez fin à la discussion plutôt que d’accepter à tout prix un accord bancal, mais laissez la porte ouverte en suggérant par exemple que votre interlocuteur vous recontacte pour un autre projet.
Élargir la discussion
Avec son petit côté marchandage de tapis, la négociation commerciale peut parfois se trouver bloquée dans une impasse. Avant de jeter l’éponge, essayez de rebondir en négociant d’autres conditions : dates de paiement ou de livraison, acompte, mention de votre nom sur une publication, transfert des données terminologiques, etc.
Mieux vaut de toute façon concentrer la négociation sur les « à-côtés » de la prestation, car modifier votre tarif sous pression nuit à votre image professionnelle. En effet, votre client potentiel pourrait alors se demander (avec raison) si vous avez essayé de lui faire payer trop cher. Même si vous avez gonflé vos prix, ne reculez pas trop précipitamment : affichez votre surprise, voir votre déception, et justifiez votre prix pour rester crédible.
La négociation a un petit côté théâtral qui n’est pas si désagréable lorsqu’elle se déroule dans la bonne humeur... Et vous ? Vous êtes-vous déjà pris au jeu ? Quelles sont vos meilleures techniques ou vos plus grandes réussites ?
Pour aller plus loin :
- Techniques de vente (Fiches conseils gratuites NetPME)
- Savoir négocier et défendre et ses marges (Cécile Lieffroy - Croquefeuille)
- Negotiating With Clients 101 (Laura Spencer - Freelance Folder)
- 12 Negotiation Tips Freelance Writers Can Use to Earn More (Carol Tice - FreelanceSwitch)
À propos de l'auteur
Professionnelle accréditée en commerce international ayant travaillé plusieurs années comme conseillère pour les PME, Gaëlle Gagné est devenue traductrice indépendante en 2005. À la tête de Trëma Translations, elle traduit de l'anglais vers le français et partage ses connaissances en gestion d'entreprise avec ses collègues traducteurs dans un blog intitulé Mes petites affaires.
Écrire commentaire
Marie Le Borgne-Larivière (mercredi, 22 mai 2019 11:41)
Bonjour,
Un client me demande un devis pour environ 10000 mots, mais me demande également un "échantillon" gratuit de traduction d'une partie du document, 1000 mots au total. C'est la première fois que j'ai ce type de demande, et je me demande si je dois accepter. Quid si mon devis n'est finalement pas retenu? Quels sont les usages en la matière?
Merci beaucoup de vos précieux conseils,
Marie
Gaëlle Gagné (jeudi, 23 mai 2019 04:05)
Bonjour Marie,
Merci d’aborder cet épineux sujet. Effectivement, la démarche de votre client potentiel est suspecte : si l’on vous demande de traduire 10 % du texte à titre de test, c’est sans doute que 9 autres traducteurs ont été contactés !
Je vous suggère donc de proposer plutôt un échantillon d’une ancienne traduction dans le même domaine (pour cela, envisagez de vous constituer un portfolio avec en miroir le texte source et votre traduction pour chacun de vos domaines de spécialité) ou d’indiquer que vous refusez de réaliser un test de plus de x mots (personnellement, je refuse au-delà de 500).
Libre à vous également de refuser tout test. Après tout, on ne demande pas à un médecin, un comptable ou un avocat de donner un échantillon gratuit de leurs services. Certains traducteurs ont pour principe de ne jamais accepter ce type de demandes, mais dans les faits ce n’est pas toujours possible. La solution du portfolio est donc idéale pour rassurer vos clients potentiels tout en évitant de vous faire perdre votre temps, ou pire, de travailler bénévolement.
J’espère que ces quelques pistes de réflexion vous seront utiles, n’hésitez pas à partager ici la suite de cet échange.